Galerie des Modernes

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Guillaume Corneille

CoBrA, abstraction

(Liège, 1922-Paris, 2010)

Corneille Guillaume Beverloo, mieux connu sous le pseudonyme de Corneille,  est né en 1922 à Liège de parents néerlandais. En 1929, la famille quitte la Belgique et s’installe à Amsterdam, où le jeune Guillaume s’intéresse rapidement à la peinture. Dès 18 ans, il s’inscrit à des cours de dessins et de gravures à l’Académie des Beaux-Arts d’Amsterdam. Il en juge l’enseignement trop académique et poursuit seul ses explorations picturales. Corneille privilégie une thématique de l’émerveillement. Au cours des années, il se constitue un vocabulaire thématique spécifique où dominent les forces primordiales : les astres, les nuages, la mer, la construction de la terre.

En 1946, il réalise sa première exposition personnelle en Hollande et l’année suivante, il expose à Amsterdam avec Karel Appel. Puis, la même année, il est invité à exposer ses peintures à Budapest. Il découvre en Hongrie les œuvres de P. Klee et de W. Kandinsky et rencontre Jacques Doucet. Dès cette période, il s’intéresse au thème des éléments organiques qui lui inspire la série des Jardins qu’il expose à l’Europa Iskola.

De retour aux Pays-bas, en 1948, il prend part à la création du Groupe Experimental Néerlandais REFLEX avec Karel Appel, Eugène Brands, Constant Nieuwenhuis, Anton Rosskens et Theo Wolvencamp. Ils joignent leurs différents apports et publient la revue Reflex puis organisent une exposition collective à Amsterdam

La même année 1948, en opposition au Surréalisme d’André Breton, qu’il juge trop théorisant, Corneille, qui voyage à Paris, co-fonde le groupe CoBrA (des villes de Copenhague, Bruxelles et Amsterdam) aux côtés de Asger Jorn, Karel Appel, Christian Dotremont et Constant Nieuwenhuys. Ils sont rapidement rejoints par des poètes, peintres et écrivains tels que Jacques Doucet, Alchinsky, Heerup, Reinhoud, Else Alfeldt, C.H. Pedersen, Egil Jacobsen, C.O Hultén, Anders Osterlin ou encore Max Walter. Souhaitant revenir aux sources premières de la création, ils vont chercher leurs modèles auprès de formes artistiques épargnées par les normes et les conventions de l'occident. Il s’agit d’un plaidoyer en faveur d'une régression consciente, d'un retour aux images archétypiques qui, semble-t-il, demeurent enfouies au tréfonds du subconscient. Durant trois années, les CoBrA travaillent de manière intensive. Ils créent des œuvres uniques, impriment de nombreuses publications et organisent des ateliers, des débats et des expositions regroupant des artistes internationaux. Après la dissolution du groupe, chaque acteur de CoBrA suit un chemin personnel, en gardant des contacts avec les uns et les autres. Corneille travaille alors avec de nombreux artistes, notamment l'écrivain Hugo Claus, un de ses plus proches amis et ancien membre collaborateur CoBrA. Il apporte aux textes de celui-ci des dessins, des gravures ou des lithographies, et vice-versa. Durant sa période CoBrA, Corneille réalise des toiles construites, structurées de manière dynamique et emploie souvent des couleurs sourdes et peu vives. 

En 1949 Corneille réalise un premier voyage en Afrique du Nord où il découvre avec passion la richesse des civilisations arabe et berbère. Il voyagera par la suite dans de très nombreux pays et observera ainsi des aires culturelles variées. Il connait ainsi le Sud tunisien en 1949; en 1952, il séjourne au Hoggar à la recherche d’Antinea; en 1956-1957 sa traversée de l’Afrique centrale en automobile lui permet d’appréhender les mythes, les croyances et les rites étroitement liés aux signes. Suivent les voyages en Amérique du Sud en 1958, au Brésil et à Cuba entre 1962 et 1966. Autant de sources nourricières pour son œuvre, qui ne présente aucune équivalence dans le Paris artistique des années 50-60. Chaque voyage est en effet l’occasion de nouvelles rencontres, de nouvelles inspirations. Il publiera ainsi, en 1977, plusieurs albums photos consacrés à ses voyages en Afrique et à sa collection d’art africain.

A partir de 1950, il s’installe à Paris et commence à exposer dans les grandes galeries telles que la Galerie Maeght (1950), la galerie de Colette Allendy (1954), la Galerie Ariel (1961), et à New-York dans la Lefebre Gallery (1962). Il expose aussi dans des musées comme le Musée de Curaçao (1954), le Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, (1956) ou encore au Stedelijk Museum d’Amsterdam (1956 et 1960).

A partir de 1954-55, Corneille s’initie à de nouveaux médiums; d’abord à la gravure à l’eau forte dans l’atelier de Stanley Hayter à Paris, puis à la céramique avec Asger Jorn, Wilfredo Lam, Matta, Enrico Baj, Fontana, ainsi que dans l’atelier de Mazzoti à Albisola. A la même période, il reçoit, à Pittsburgh, une mention honorable du Carnegie International et l’année suivante, en 1956, il obtient le prix Solomon Guggenheim pour le Pays-Bas.

A partir de 1961, Corneille commence à peindre en étendant ses toiles à terre. Ses toiles, structurées de manière organique empruntent alors leurs couleurs et leurs matières au minéral, ce qui le mène à sa « période géologique ». En 1962, il commence alors une série de gouaches qui seront présentées lors d’expositions particulières, la même année, à la galerie Mathias Fels à Paris. Il existe une certaine dualité dans l’art de Corneille autour des années 60 : ses constructions rigoureuses sont contrebalancées par une grande spontanéité et la richesse de sa palette de couleur.

A partir des années 70, il retourne à un art plus figuratif. Ses toiles aux couleurs vives et acidulées présentent alors un monde idyllique, presque enfantin où sont présents des oiseaux, des chats, des femmes nues et des soleils. Cette vision positive, tant par la thématique que par la gamme de couleurs, lui permet de forger un univers visuel unique et remarquable, qu'il décline sur de nombreux produits dérivés. 

A partir des années 1980, Corneille présente son travail au cours de nombreuses expositions et développe son œuvre graphique entreprise dès la fin des années 40, qui est alors reconnue internationalement. Ainsi, entre 1982 et 1992, plusieurs monographies lui sont consacrées. 

Les années 1990 sont marquées par l’apparition des ses premières sculptures en bois polychrome. En 1992, il fait un autre séjour en Afrique pour le tournage d’un film, réalisé par Jos Wassink, qui sera diffusé à l’occasion de l’exposition conçue par Ronald A.R. Kerkhoven : Corneille, le visage Africain, au Museum de La Haye.

En 1999, Corneille découvre l'aquagravure et travaille avec les Éditions l'Estampe et leurs ateliers. En 2001, l'éditeur L'Estampe consacre à Corneille une grande exposition rétrospective, « Corneille, 50 ans d'estampes», traitant des années CoBrA aux années 2000. Un livre du même nom est édité à cette occasion par L'Estampe. 

Corneille a été inhumé le 9 septembre 2010 au cimetière d'Auvers-sur-Oise, près de la tombe de Vincent van Gogh.

 

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